Les filières aquacoles de l’outre-mer partagent de nombreuses spécificités qui ont conduit en 2008 à un rapprochement de leurs acteurs au travers de l’Union des Aquaculteurs d’Outre-mer (UAOM) avec un objectif affiché d’échange et de mutualisation. Ce réseau ainsi créé se retrouve tous les deux ans, sous le nom des biennales de l’aquaculture en outre-mer. Il permet de rassembler en un même lieu des producteurs, des associations professionnelles, des organismes de recherche, des administrations, des collectivités, des chambres consulaires et des interprofessions de l’élevage. Après la Martinique en 2006, Mayotte en 2008, Tahiti en 2010 et la Guadeloupe en 2012, les biennales 2014 se sont tenues à Paris les 4 et 5 décembre.
Ainsi, l’UAOM est présent: ·Dans l'Atlantique et le bassin des Caraïbes avec : oADEPAM (Association pour le DEveloppement de la Production Aquacole Martiniquaise) oSYPAGUA (Syndicat des Producteurs Aquacoles de GUAdeloupe) oAAG (Association Aquacole de Guyane) ·Dans l'océan Indien : oARDA (Association de Recherche et de Développement pour l'Aquaculture) de la Réunion oAquamay à Mayotte Avec les RUP, doivent être ajoutés : ·Dans le Pacifique : CAPF (Coopérative des Aquaculteurs de Polynésie Française) . Dans l'Atlantique Nord : l'ARDA de St Pierre et Miquelon La création de l’UAOM est le fruit d'une réflexion sur la nécessité de s’unir, autour d'objectifs communs, autour d'une prise de conscience partagée du potentiel de notre secteur et enfin, s’unir autour d'un engagement commun pour développer une aquaculture durable adaptée à nos territoires. Cette approche était novatrice dans nos provinces. Aujourd'hui, d'autres secteurs sont inspirés par cet exemple.
La Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna ne comptent pour l’instant pas de structure adhérente à ce réseau. Ces deux territoires ont pu néanmoins participer à cet évènement en qualité d’invité, dans un esprit d’ouverture manifesté par l’UAOM avec la participation d’un représentant de l’ADECAL pour la Nouvelle Calédonie et du Service de la Pêche et de l’Aquaculture pour Wallis et Futuna. La proposition de l’adhésion de ces deux territoires à l’UAOM a été vivement souhaitée.
Aux Antilles on recense 25 exploitations artisanales qui produisent de l’ombrine, du tilapia, de la cherax et des chevrettes. L’élevage de chevrettes (Macrobrachium rosenbergii) et de d’écrevisses (Cherax quadricarinatus) a souffert d’un abaissement des seuils règlementaires des limites maximales de résidus de chlordécone, qui a provoqué fin 2008 la fermeture de la presque totalité des sites de production. Cette activité d’élevage en étang requière de la surface. Les difficultés d’accès au foncier amplifiées par la contamination des sols à la chlordécone limitent considérablement les perspectives de relance du développement de cette production alors que le marché demeure très demandeur. On ne compte que deux producteurs de tilapias rouges sur les deux iles (Oreochromis sp). Les perspectives de développement reposent donc essentiellement sur la pisciculture marine avec l’ombrine. 12 fermes sont en activités et de nouveaux porteurs de projets se sont déclarés. Avec le recentrage de l’Ifremer sur ses activités de recherche, un transfert de la production de larves vers la production est prévu. La production d’ombrine a souffert d’une chute importante en 2012 suite à la crise nutritionnelle enregistrée sur l’ensemble des élevages. La tendance est actuellement à un retour au niveau de production antérieur à 2012. Une augmentation de la production est à prévoir sur les deux prochaines années avec la relance des stockages en alevins et les prévisions d’installations. L’accès aux concessions de cultures marines est très difficile avec des délais d’instruction de dossier extrêmement longs (4 à 5 années nécessaires). Ce problème est exacerbé en Guadeloupe du fait de procédures relativement nouvelles pour les services instructeurs, des avis multiples à demander et de la défiance vis-à-vis d’une activité jugée potentiellement polluante.
En Guyane, compte tenu de l’absence de potentiel pour l’aquaculture marine (conclusions du SRDAM), la région Guyane est à l’origine d’un SRDAC (Aqua Continentale). Les efforts sont actuellement concentrés sur la relance de la filière chevrette et sur l’élevage d’espèces indigènes de l’amazone (pisciculture d’eau douce). On dénombre 6 producteurs prêts à se lancer et les ambitions affichées sont de 50 tonnes de chevrette, 30 tonnes de torche tigre (Pseudoplatystoma corruscans).
A Mayotte, On recense 3 exploitations artisanales et une semi-industrielle qui produisent 120 tonnes d’ombrine. Des difficultés internes à AQUAMAY ont entrainé une chute de la production d’alevins en 2012-2013. L’année 2014 est marquée par un retour à la normale de la production d’alevins et des performances d’élevage. En parallèle une l’augmentation des stockages en cages laisse présager d’une augmentation notable de la production. La ferme semi-industrielle – AQUA-MATER – est encore loin d’atteindre ses ambitions de production (plus de 1000 tonnes annoncées). L’accession de Mayotte au statut de RUP, risque de générer des turbulences pour le fonctionnement d’Aquamay, les financements de l’Etat étant brusquement interrompus.
A la Réunion, la fermeture de la Société Aquacole des Mascareignes a marqué l’arrêt de la production d’ombrines, ce qui constitue une mauvaise nouvelle pour l’ensemble des DOM. Le coût du maintien d’un stock important de géniteurs à l’ARDA ne se justifie plus. Néanmoins l’ARDA s’est engagée à garantir les échanges de larves prévues dans le programme « Harmogedom » et donc au maintien de quelques familles « Genodom ». La filière Tilapias est en baisse en raison d’un problème organisationnel chronique de la profession. Seule la filière de production de truites reste stable, ce qui demeure paradoxal sous les tropiques. Les activités aquacoles de l’ARDA sont aujourd’hui concentrées sur l’aquaponie et sur la production d’alevins de tilapias. Il faut souligner que les échanges et la concertation au niveau des DOM et au sein de l’UAOM ont permis de faire aboutir des projets de plan de compensation des surcoûts harmonisés et cohérents.
En Polynésie Française, hormis la perliculture, et après l’abandon des programmes d’élevage du loup tropical (Lates calcarifer), c’est vers l’élevage d’espèces indigènes que les attentions se sont portées et plus particulièrement le platax, Paraha peue (Platax orbicularis). A l’heure actuelle la reproduction et le cycle larvaire sont maitrisés. Une dizaine de tonnes sont produites annuellement en cages en mer et le développement de la filière est aujourd’hui conditionné au règlement des problèmes sanitaires provoquant de fortes mortalités à l’ensemencement des cages d’une part, et au problème d’écoulement de la production sur la marché d’autre part. Des essais de « mise en jachère» des sites impactés semblent constituer une piste intéressante. Bien que cette espèce offre de réelles perspectives sur le marché local, et malgré le tonnage encore modeste, des difficultés d’écoulement sur le marchés sont déjà ressenties. L’objectif affiché est la production de 40 tonnes/an pour la principale ferme. La filière crevetticole produit 96 tonnes (5 producteurs). Il faut souligner l’existence d’une filière d’exportation de bénitiers pour l’aquariophilie.
A Saint Pierre et Miquelon, c’est sur la pectiniculture (Placopecten magellanicus) que les espoirs reposent avec un ambitieux programme de R&D conduit conjointement par l’Ifremer et l’ARDA SPM. L’installation d’un producteur privé a permis la production de 65 T en 2013 et 75 T en 2014 avec un objectif affiché de 120 tonnes. A noter également une production de 10 tonnes de moules.
En Nouvelle-Calédonie, au-delà de la filière crevetticole qui produit annuellement 1600 tonnes de crevette bleue (Litopenaeus stylirostris) dont plus de la moitié sont exportées vers le Japon, les pouvoirs publics ont fait de la diversification aquacole une priorité. On peut ainsi noter l’émergence de filières d’élevage d’holothuries des sables (Holothuria scabra) et de picot rayé (Siganus lineatus) qui bien qu’issues d’initiatives privées sont largement accompagnées par les pouvoirs publics. L’ouverture en 2012 du Centre Calédonien de Développement et de transfert en Aquaculture Marine (ADECAL Technopole) ouvre la voie de la pisciculture marine avec 2 espèces indigènes actuellement à l’étude (capture, domestication, reproduction, mise en élevage) : le pouatte (Lutjanus sebae) et la loche truite (Chromileptes altivelis). On peut enfin noter des perspectives à moyen terme concernant le pétoncle (Chlamys sp) et la langouste (Panulirus ornatus) pour lesquels des petits pilotes de production ont donné des résultats dignes d’intérêt.